Lecture

« Le bébé est un mammifère » de Michel Odent

Michel Odent a été responsable des services de chirurgie et de maternité à Pithiviers de 1962 à 1985. Chirurgien et obstétricien, il a animé de nombreuses conférences et publié plusieurs articles. Il y en avait notamment un sur l’introduction de l’allaitement dans l’heure qui suit la naissance et un autre sur les piscines d’accouchement (1983). Le Docteur Odent avait imaginé des salles où les femmes pouvaient accoucher dans une atmosphère apaisante, proche de celle d’une maison : pénombre, baignoire, liberté de position… Il était également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont « Le bébé est un mammifère ».

Il a animé des sessions d’information pour les sages-femmes et les doulas dans plusieurs pays. À Londres, il a fondé le Primal Health Research Centre, qui s’intéresse à la période allant de la conception jusqu’au premier anniversaire de l’enfant (la « période primale »). Il y a ainsi créé une banque de données de recherche. Il a également été conseiller au sein du comité médical de La Leche League International (dont l’objectif est de soutenir l’allaitement et le maternage) pendant plus de trente ans.

Michel Odent fut l’un des plus grands experts en physiologie de l’accouchement et du nourrisson. Il est considéré comme un pionnier des approches innovantes de l’accouchement en France. C’est un homme qui a profondément changé ma façon de penser la naissance. Durant ma grossesse, j’ai bien sûr lu ce livre, mais aussi écouté plusieurs interviews de lui. Il avait tant à nous apprendre sur le respect de la physiologie de la naissance et sur l’allaitement maternel…

Si vous ne le connaissez pas, je vous invite à lire l’un de ses livres ou à regarder une de ses conférences sur Internet. Décédé en août 2025 à l’âge de 95 ans, il laisse derrière lui un précieux héritage. J’espère que ses paroles continueront de résonner et de faire évoluer les pratiques… 🙏

Extraits du livre

« (…) pour libérer le flot hormonal de l’accouchement, une femme a besoin de se sentir en sécurité, sans se sentir observée. Or ces besoins de base ne sont pas spécifiquement humains. Les femelles de tous les mammifères n’accouchent que lorsqu’elles se sentent en sécurité. »

« J’ai appris que les êtres humains sont des mammifères. Tous les mammifères se cachent, s’isolent pour mettre au monde leur progéniture. Ils ont besoin d’intimité. Il en est de même pour les êtres humains. Il faut constamment se référer à ce besoin d’intimité. »

« (…) la redécouverte de nos racines animales apparaît comme nécessaire, voire urgente. L’accouchement n’est-il pas le propre des mammifères ? »

« Pour mettre au monde leurs bébés grâce au processus d’accouchement, les femelles des mammifères doivent sécréter un certain nombre d’hormones bien spécifiques. Les mêmes hormones sont mises en jeu lors de l’accouchement d’un être humain. Elles sont sécrétées par des structures primitives du cerveau que nous partageons avec tous les mammifères. Ces similarités devraient constituer un point de départ. Un point de départ pour tout essai de compréhension du processus d’accouchement dans notre espèce. »

« J’ai rencontré aux Etats-Unis des militantes pour une naissance différente qui jouent à leur façon ce rôle d’éducatrice, sans se donner cette étiquette. L’histoire de l’une d’elle mérite d’être contée. Lorsqu’elle était une petite fille, elle vivait dans la ferme de ses parents, dans le Dakota du Nord. Son père lui avait confié des responsabilités lors de la naissance des petits cochons, et lui avait donné cette leçon : « Ne te montre pas. Passe inaperçue. Si la truie se sentait observée, l’accouchement serait plus long, plus difficile, plus dangereux et, après la naissance, la mère risquerait de se désintéresser de ses pourceaux, voire d’être agressive. Cependant, tout en étant invisible, tâche de savoir ce qui se passe. En effet les truies, après avoir mis au monde huit, dix bébés ou plus à la fois, peuvent en négliger un, ou l’étouffer par inattention. Dans ce cas seulement il faut savoir intervenir. » Lorsque cette petite fille est devenue adulte, elle a eu des enfants. Elle s’est retrouvée dans un hôpital pour humains, sur une table, entourée d’experts qui lui disaient de pousser, de ne pas pousser, de respirer comme ceci ou comme cela. Elle a découvert que ces gens n’avaient rien compris à l’accouchement, et a pris conscience de la valeur de la leçon de son père. C’est ainsi qu’elle a commencé à organiser des séminaires, des ateliers, des conférences pour faire changer les conditions de la naissance. C’est ainsi que j’ai visité le Dakota du Nord. « 

« L’heure est venue de s’interroger sur les effets de l’environnement sur le déroulement de l’accouchement et le premier contact entre la mère et le bébé. »

« (…) les mammifères ont besoin de se cacher pour mettre au monde leur progéniture. Ils ont besoin d’intimité. »

« (…) pour libérer le flot hormonal de l’accouchement, une femme a besoin de se sentir en sécurité, sans se sentir observée. (…) Les femelles de tous les mammifères n’accouchent que lorsqu’elles se sentent en sécurité. Si, dans la jungle, une femelle prête à mettre bas perçoit la présence d’un prédateur, la peur qu’elle ressent entraîne la libération d’adrénaline, dont l’un des effets est de donner l’énergie pour la fuite ou le combat, et dont l’autre effet est de remettre à plus tard l’accouchement. De même, toutes les femelles de mammifères ont une stratégie pour ne pas se sentir observées en accouchant. Non seulement il importe de redécouvrir ces besoins mammaliens dans la période qui entoure la naissance, encore faut-il aussi apprendre à éliminer tout ce qui est spécifiquement humain. Cela signifie d’abord se débarrasser des séquelles et rituels qui, depuis des millénaires, ont amplifié les difficultés de l’accouchement dans l’espèce humaine, ont séparé la mère du nouveau-né et ont retardé l’initiation de l’allaitement maternel. »

« Aujourd’hui il m’arrive de résumer ainsi vingt-cinq années de recherches : « J’ai appris que les êtres humains sont des mammifères. Tous les mammifères se cachent, s’isolent pour mettre au monde leur progéniture. Ils ont besoin d’intimité. Il en est de même pour les êtres humains. Il faut constamment se référer à ce besoin d’intimité. »

« (…) la redécouverte de nos racines animales apparaît comme nécessaire, voire urgente. L’accouchement n’est-il pas le propre des mammifères ? (…) Pour mettre au monde leurs bébés grâce au processus d’accouchement, les femelles des mammifères doivent sécreter un certain nombre d’hormones bien spécifiques. Les mêmes hormones sont mises en jeu lors de l’accouchement d’un être humain. Elles sont sécrétées par des structures primitives du cerveau que nous partageons avec tous les mammifères. Ces similarités devraient constituer un point de départ. Un point de départ pour tout essai de compréhension du processus d’accouchement dans notre espèce. Or il n’en est pas ainsi. »

« J’ai rencontré aux États-Unis des militantes pour une naissance différente (…) L’histoire de l’une d’entre elles mérite d’être contée. Lorsqu’elle était une petite fille, elle vivait dans la ferme de ses parents, (…). Son père lui avait confié des responsabilités lors de la naissance des petits cochons, et lui avait donné cette leçon : « Ne te montre pas. Passe inaperçue. Si la truie se sentait observée, l’accouchement serait plus long, plus difficile, plus dangereux et, après la naissance, la mère risquerait de se désintéresser de ses pourceaux, voire d’être agressive. Cependant, tout en étant invisible, tâche de savoir ce qui se passe. En effet les truies, après avoir mis au monde huit, dix bébés ou plus à la fois, peuvent en négliger un, ou l’étouffer par inattention. Dans ce cas seulement il faut savoir intervenir. » Lorsque cette petite fille est devenue adulte, elle a eu des enfants. Elle s’est retrouvée dans un hôpital pour humains, sur une table, entourée d’experts qui lui disaient de pousser, de ne pas pousser, de respirer comme ceci ou comme cela. Elle a découvert que ces gens n’avaient rien compris à l’accouchement, et a pris conscience de la valeur de la leçon donnée par son père. C’est ainsi qu’elle a commencé à organiser des séminaires, des ateliers, des conférences pour faire changer les conditions de la naissance. »

« (…) les mammifères ont besoin de se cacher pour mettre au monde leur progéniture. Ils ont besoin d’intimité. »

« Lorsque je confronte les travaux de scientifiques comme Niles Newton avec ce que j’ai appris par l’expérience de l’accouchement chez les humains, tous les doutes disparaissent : nous sommes des mammifères. Il faut rattraper le temps perdu par obsession des différences. Nous ne devons pas avoir honte d’admettre que les autres mammifères peuvent nous aider à redécouvrir ce que nous avons oublié. Et ce que les cultures humaines ont oublié ou veulent oublier, c’est le besoin d’intimité de la femme qui accouche et accueille son bébé. » 

« (…) les femmes enceintes, les femmes qui allaitent sont habituellement isolées alors qu’elles ont besoin d’un fort soutien social ; la femme qui accouche est entourée de trois ou quatre personnes, alors qu’elle a besoin d’intimité. »

« (…) l’obscurité pourrait être plus importante pour la naissance des humains qu’elle ne l’est pour la plupart des autres mammifères. Le processus d’accouchement est un processus cérébral. Pendant l’accouchement, la partie active du cerveau est la partie primitive, ancienne, celle que l’on a en commun avec tous les autres mammifères. C’est le cerveau primitif qui doit sécréter les hormones nécessaires aux contractions utérines efficaces. Comme au cours de tout évènement de la vie sexuelle, l’activité de ce cerveau peut être inhibée. Ces inhibitions viennent du nouveau cerveau, du néocortex, du cerveau nécessaire à l’approche scientifique, rationnelle, au langage. La sécrétion des hormones nécessaires au déroulement de l’accouchement normal s’accompagne d’une réduction de l’activité de ce nouveau cerveau. C’est pourquoi, à un certain stade de l’accouchement dit physiologique, la plupart des futures mères donnent l’impression de se couper du monde et de partir sur une autre planète. Elles changent d’état de conscience. Ce changement d’état de conscience est nécessaire à l’équilibre hormonal. C’est pourquoi on peut arrêter le progrès d’un accouchement en demandant à la future mère son numéro de Sécurité sociale, c’est-à-dire en stimulant son néocortex. Or la lumière est un puissant stimulant du néocortex. »

« (…) l’obscurité est probablement encore plus importante pendant l’accouchement des humains que pendant celui des autres mammifères, dans la mesure où l’être humain se caractérise par l’énorme développement du néocortex, du cerveau capable d’inhiber les processus instinctifs, involontaires. C’est le développement du néocortex qui rend si fragiles, si dépendants de l’environnement, tous les comportements instinctifs humains. »

« L’important est de poser les questions. Les réels suivront… »

« La sage-femme expérimentée n’a pas besoin de perturber l’intimité de la future mère par des touchers vaginaux, n’a pas besoin de se comporter en observatrice. Par « expérimentée », j’entends habituée aux femmes qui accouchent dans une atmosphère de spontanéité, en faisant du bruit si elles le veulent, en respirant librement, en étant libres de leur position. En suivant à l’oreille le déroulement de l’accouchement, elles en apprennent plus qu’en utilisant le doigt. »

« L’attachement père-enfant se construit progressivement avec le temps ; il obéit à une chronologie qu’il faudra probablement réapprendre à respecter. »

« Ainsi l’expérience des accouchements non guidés, dans une atmosphère de complète intimité, dans la pénombre, avec toute la liberté de faire du bruit et de prendre n’importe quelle position, impose une vision nouvelle des différentes phases de l’accouchement. »

« Les déchirures sérieuses sont très rares après un véritable réflexe d’éjection. (…) Il est bien connu que les accouchements très spontanées, (…), d’accompagnent rarement de dégâts périnéaux. (…) J’ai cru remarquer que les déchirures sont rares lorsque la femme est penchée en avant lors des dernières contractions, par exemple debout et appuyée sur le rebord d’une table, ou à quatre pattes. Lorsque la femme est suspendue à quelque chose ou à quelqu’un, ou que ses épaules sont soutenues, il y a une force dirigée vers le haut équilibrant les forces qui poussent le bébé vers le bas. Cela permet le relâchement complet des muscles et des cuisses, et particulier ceux de la face interne des cuisses ; or ces muscles cordonnent leur action avec celle des muscles du périnée. Lorsqu’ils se relâchent, cela ouvre la porte, et inversement. »

« Le besoin d’intimité ne s’arrête pas avec la naissance. L’environnement qui ne perturbe pas l’accouchement est aussi celui qui ne perturbe pas le premier contact entre mère et bébé. (…) C’est l’instant du premier contact de peau à peau et aussi du premier croisement des regards. Les yeux de la mère sont alors puissamment attirés par ceux du bébé, et les yeux du bébé sont attirés par ceux de la mère. (…) La rencontre des regards semble être un moment privilégié de la relation mère-bébé. »

« (…) la pénombre, le lieu familier, l’absence d’observateurs sont plus importants que jamais. »

« Les chats apportent-ils, dans la vie quotidienne, assez de calme, de sérénité, de détachement pour régulariser alentour les niveaux d’hormones de stress ? Ou bien… les chats seraient-ils doués d’un pouvoir mystérieux ? Pourraient-ils influencer le déroulement de l’accouchement par leur simple présence ? »

« L’être humain est condamné à vivre avec deux cerveaux. (…) Pendant le processus d’accouchement, nous l’avons vu, l’activité du cerveau primitif est prééminente. Le cerveau primitif est celui que nous partageons avec tous les mammifères. (…) Ce cerveau archaïque, que l’on peut appeler cerveau instinctif et émotionnel, peut être regardé comme une glande sécrétant les hormones nécessaires au processus d’accouchement, qu’il s’agisse des hormones de la contraction utérine ou des hormones protectrices de la douleur. Le processus d’accouchement se déroule d’autant plus facilement que l’autre cerveau, le nouveau cerveau, accepte de se mettre au repos. Ce nouveau cerveau, ce néocortex, dont l’énorme développement caractérise l’être humain, (…) Par son activité pendant l’accouchement, (…) ne peut que gêner l’activité de l’ancien cerveau. C’est de ce néocortex que viennent toutes les inhibitions, au cours de l’accouchement comme au cours de tout évènement appartenant à la vie sexuelle. C’est pourquoi au cours d’un accouchement très spontané, selon la « méthode des mammifères », il y a un stade où la femme semble coupée du monde, en route pour une autre planète. Ce changement d’état de conscience traduit de toute évidence la réduction du contrôle par le nouveau cerveau. C’est alors que la future mère est libérée de toute inhibition, ose crier, ose ouvrir ses sphincters, oublie ce qu’elle a appris, oublie ce qui est culturel, ce qui est « convenable ». C’est pourquoi la plus sûre façon de rendre un accouchement long, plus difficile, plus douloureux (et, bien entendu, plus dangereux) est de stimuler le néocortex, cause de toutes les inhibitions. On peut stimuler le néocortex par la lumière, ou en utilisant un langage logique, rationnel, ou en se comportant en observateur. La sensation d’intimité traduit la réduction du contrôle par le nouveau cerveau. »

« (…) dans le contexte d’un grand hôpital moderne, peu de femmes peuvent atteindre le complexe équilibre hormonal qui leur permettrait d’accoucher par leurs propres moyens. Elles ont besoin de drogues substitutives qui perturbent en cascade la suite des processus physiologiques. Ensuite, dès que le bébé est né, il y a toujours plus urgent à faire que de protéger l’intimité du couple mère-bébé. (…)

« Dans les conditions habituelles de vie, les mammifères, et en particulier nos cousins les primates, ne sont pas cruels envers les nouveau-nés. Comment les humains le sont-ils devenus ? »

« La tendance est toujours d’entretenir la croyance profondément enracinée qu’il est impossible de mettre au monde un bébé sans quelque mystérieuse énergie venue de l’extérieur. »

« Comme l’a fait remarquer Niles Newton, chaque fois qu’il est question d’amour, on retrouve l’ocytocine, cette hormone sécrétée par des zones bien connues de notre cerveau primitif, (…) Les effets de cette hormone sur les contractions de l’utérus pendant l’accouchement sont bien connus. Il y a un pic de libération dans l’heure qui suit la naissance, au moment du premier contact entre la mère et son bébé. »

« (…) beaucoup ressentent spontanément, condusément, sans pouvoir analyser clairement les raisons, que la durée de l’allaitement est un sujet scandaleux qu’il est souvent préférable d’éluder. Aborder le sujet, c’est accepter d’ébranler les fondements mêmes de notre société. Toute question relative à la durée de l’allaitement est en soi une provocation. Quelle est la durée d’un allaitement humain aussi physiologique que possible ? Pour tout autre mammifère, la réponse est simple, presque aussi simple que la durée de gestation. (…) Pour l’être humain la réponse est imprécise. Et pourtant la connaissance de l’idéal physiologique est nécessaire. »

« L’allaitement artificiel a connu son plein essor au milieu du XXe siècle, avec l’apparition massive sur le marché des laits en poudre industrialisés, dits « maternisés ». Aujourd’hui l’allaitement maternel est revalorisé à l’échelle collective. Il est encouragé officiellement par les professionnels et les pouvoirs publics. Mais il se heurte à de grandes difficultés. Ce qui caractérise la situation actuelle, c’est qu’une majorité, c’est qu’une majorité de mères commencent l’allaitement, mais ne le poursuivent pas au-delà de trois à six mois. Les organismes de santé publique essaient de comprendre pourquoi les taux d’allaitement s’effondrent si vite. On invoque le travail de la femme. Mais le phénomène s’observe avec de nombreuses femmes qui ne travaillent pas. On donne des conseils. Mais personne n’ose dire que le partage du lit avec le bébé est une clé pour éliminer bien des difficultés de l’allaitement. Personne n’ose imaginer que les difficultés de l’allaitement maternel pourraient être inhérentes à la famille nucléaire monogamique. Pour allaiter un bébé pendant plusieurs années, une femme moderne doit être douée d’une capacité peu commune de résistance aux pressions sociales, y compris intra-familiales. »

« Le bébé qui vient de naître a besoin de s’attacher à la peau de sa mère, à l’odeur de sa mère, au sein de sa mère… besoins partagés avec nombre d’espèces de mammifères… besoins que les humains ont appris à négliger, voire à ignorer et même à nier. »

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